Voyagez à la rencontre de l’inconnu dans un élan qui vous mène à l’autre bout du monde, en Polynésie.
Hasardez-vous aux antipodes comme ces artistes en quête d’inspiration, à la recherche de trésors oubliés.
Vous en reviendrez transfiguré.e et pour bagage une furieuse envie d’y retourner.
Dans le sillage de Matisse, voguez vers l’archipel des Tuamotu.
Aujourd’hui, Nouvelle Lune, un beau jour pour lever l’ancre.
Je dégomme tous les obstacles, tests et documents innombrables à fournir.
Décollage autorisé, je respire déjà l’air du large.
Je pars explorer l’autre côté du miroir, une chance inouïe.
J’ai un peu, beaucoup, honte de cette empreinte carbone que je vais alourdir à chaque envol.
Ils seront au nombre de sept.
Au cœur les âmes de Brel, Gauguin et Matisse, je vais saluer la terre des Hommes au nom enchanteur… avant qu’elle ne disparaisse.
Découvrir une terre inconnue, la Polynésie
On y parle le tahitien.
Cette langue donne l’impression de glisser sans rien pour se raccrocher à l’image du courant entrant de la
passe de Tiputa.
Éloignée de la nôtre, il faudrait un long séjour avant d’en maîtriser les rudiments.
Il vous faut une éternité pour prononcer un mot trufée de a, u (ou) i et acquérir cette façon délicieuse de
rouler les r, en écume d’océan sur les sombres rochers.
Vous aimerez dire au revoir » aloha » qui signifie aussi amour.
Vous rencontrerez des personnes hors gabarit, aussi hautes que larges, certaines dotées d’une force
herculéenne.
Avec fierté, elles aiment en faire étalage en organisant des tournois comme la course aux oranges,
un événement annuel typique de l’île.
Après une escapade périlleuse, deux paniers suspendus au large bambou posé sur leur nuque, ils descendent le plus rapidement possible, chargé au maximum des précieux fruits. Les femmes ne sont pas en reste.
Gare aux glissades, elles sont mortelles.
On peut admirer leur force et leur agilité lors de parties de pêche au mahi mahi appelé également dorade
coryphène.
Première escale Bora- Bora
La orana*
Après un long, très long voyage, trois décollages et atterrissages, me voici à Bora-Bora, Pora en langue maori.
Une montagne plantée à son centre d’où l’on peut admirer le paysage à 360°.
Une symphonie de bleus, conjugués à l’infini, une plage de sable blanc dessinent un paysage de carte
postale.
Pora, c’est aussi la plongée.
Les raies mantas font leur show en ballet d’élégance.
Certaines, demoiselles coquettes, ornent leurs lobes olfactifs de nacre mauve.
Une merveilleuse entrée en matière pour un voyage d’exception.
Rêve d’atoll
Quittez Pora, une des îles de la Société, pour l’archipel des Tuamotu.
Atolls jetés au milieu du Pacifique.
L’atoll, c’est l’union sacrée de la terre à l’océan.
Douceur et force se disputent l’anneau de terre née du grondement souterrain du volcan.
Le féminin prend le pouvoir, dedans, dehors.
En maîtresse exigeante, elle brise la masse noire par endroit, forme des passes, prend possession des lieux
avec violence.
Énergie aquatique en furie, elle sait se montrer douce et accueillante.
Elle fait le bonheur des habitants marins et des plongeurs.
Parcourir un atoll, c’est sauter d’un motu à l’autre.
En bateau, c’est plus sûr, ou il vous faudrait par endroit chausser des bottes de sept miles.
Posez-vous un instant, fermez les yeux.
Appréciez les bleus émeraude, indigo, turquoise, le vert céladon.
Tout en délicatesse, ils répondent à l’appel du lagon qui les conjugue, osant le blanc quand la profondeur
s’efface, laissant la place au sable, en farine de corail.
De l’autre côté, le bleu sauvage, le Pacifique qui n’a de calme que le nom, se pare d’une crête d’écume
caressant la coquette bande de sable rose.
La végétation se limite à quelques plantes grasses.
Les cocotiers se balancent nonchalamment, bruissent à la mesure de l’instant.
Këia manawa*
Seconde escale, Tikehau
Le soleil se lève sur le lagon et se couche sur l’océan.
Tikehau, c’est une langue de terre blanche. Une heure suffit à la parcourir.
Une avenue bordée de cocotiers vous promène dans une autre dimension.
Séances de Qi Gong sur la plage, sous le pieds, la farine de corail.
Départ pour Rangiroa, pension Tapuheitini
L’accueil est franc et chaleureux.
Marguerite, notre hôtesse nous héberge dans de simples constructions en bois, offrant le confort nécessaire à un séjour agréable.
Les repas sont organisés autour de grandes tablées, favorisant les rencontres.
Aller à Rangiroa, c’est d’abord plonger.
Le grand bleu m’attend, passe de Tiputa.
Le lagon bouge et palpite, l’heure est au courant.
Dans la passe, il remue fonds et surface.
Notre palanquée s’équipe.
Masque rincé, palmes chaussées, la stab lestée de sa bouteille d’alu ne demande qu’à rompre l’équilibre
précaire sur le bord du zodiac. Je suis prête pour une bascule arrière.
La palanquée flotte en surface, bouchons mouvants prêts à sonder.
Les corps descendent, chacun à son rythme, chacun son style.
Dans le bleu, un banc de barracudas, chevaliers de métal aux bandes argentées, Napoléons, empereurs à
bosse au reflet sombre et quelques requins pointe blanche.
Douces créatures offrant leur peau soyeuse aux reflets des rayons solaires qui percent encore à vingt
mètres.
Sans crier gare, le courant est sur nous et nous emporte.
Tenir le cap, calmer le corps et rester à l’écoute.
Chacune de ses respirations accorde une micro seconde de répit, fenêtre possible de progression.
Stop canyon Ali baba
Je me colle au fond pour ralentir cette folle progression, me refuge dans l’anfractuosité d’un rocher et me
love parmi les centaines de papillons jaunes et noirs.
Ils ont choisi la même planque.
Un baliste, curieux me rend visite.
Va-t-il se révéler femelle souhaitant défendre ses petits ?
Seulement de la curiosité ! Je suis soulagée, elle n’aurait eu aucun mal à me déloger à coups de dents hautes
et jaunâtres.
Il me faut quitter mon abri et ce spectacle enchanteur, progresser encore dans un courant plus pressant,
transformant les plongeurs en ailes volantes.
Il est vain de résister, c’est le moment de lâcher prise et de prendre son envol.
Les poissons défilent, eux bougent à peine.
Que pensent-ils de ces drôles de créatures harnachées de néoprène ? » Encore un couillon qui passe ! « .
L’accalmie vient d’un coup.
La passe s’interrompt sur des coraux multicolores.
Le parachute, gonflé affleure en surface, signale notre présence.
La remontée à bord du zodiac se révèle rock and roll.
Ça bouge tant et plus et l’échelle n’a pas été conçue par un plongeur !
Quelques plongées plus loin, c’est l’heure du départ pour un autre motu : Fakarava attend.
Fakarava sud, le motu des Robinsons
Un vol inter îles mène à Fakarava nord.
Il faut 1h 30 de bateau pour atteindre le sud du lagon.
Welina mai i Paradise*
Émerveillement et dénuement
Un simple embarcadère de bois débarque les nouveaux arrivants.
Les bagages sont transportés en brouette, seule véhicule à roue.
Le bruit de moteur est produit par les bateaux rivalisant avec les pirogues.
La pension Raimiti vous attend.
La famille, créatrice des lieux, offre un accueil chaleureux, en toute simplicité.
Inconditionnel des palaces passez votre chemin.
Aucun câble électrique ne défigure le paysage, aucun béton ne grève la terre.
L’électricité, présente uniquement dans la salle commune ouverte aux quatre vents est produite par un
générateur.
Vous ne la trouvez pas dans la case en bois abritant votre séjour.
C’est le retour de la lampe à pétrole, à l’ancienne.
La précieuse eau de pluie est récupérée dans d’énormes citernes noires, chauffées au soleil pour des
douches au goût de sel, complétant l’installation de panneaux solaires.
Le corps respire, étonné de tant de liberté retrouvée.
Les cases se trouvent côté océan et côté lagon.
Je préfère l’océan.
Son chant berce les jours et les nuits de ce paradis.
La Pleine Lune me maintient en éveil.
Installée sur la terrasse surélevée, l’air frais caresse ma peau brune.
L’océan gronde, droit devant.
Aucune pollution lumineuse, le ciel peut allumer les étoiles.
Je retrouve ma barrette, mes trois étoiles alignées. L’une file, rayant la nuit, je fais un vœu.
Maluhia*
Encas philosophique La leçon du Bernard l’ermite
Respirer un air de liberté sur un motu n’est pas sans conséquence.
L’esprit philo vous gagne.
Sur le chemin menant à la case, je rencontre un curieux coquillage motorisé.
Un Bernard l’ermite.
Ce crustacé est un squatteur. Né sans carapace, il lui faut en trouver une, vide de préférence, pour se
protéger d’une mort certaine.
Un exemple à suivre par les bipèdes : et si on offrait les maisons abandonnées aux SDF ?
Elles sont légion dans nos campagnes !
Une insondable beauté
Passe de Tumakoa, mythique.
Sa beauté est réputée, son » mur de requins » également.
Je n’ai pas l’audace d’affronter les dents de la mer, je les laisse aux intrépides.
Ils sont nombreux, présence paisible, accueillant les visiteurs avec bienveillance.
Une immersion dans l’eau transparente pour un spectacle en grand écran, visibilité parfaite.
Le courant est présent, accrochez-vous à la roche et admirez.
Ce sont des centaines de requins à ne plus savoir où poser le regard.
D’inoffensives créatures, évoluant simplement devant nos yeux masqués.
Acceptant l’intrusion, ils offrent la sensation de faire partie du groupe.
Dans cet océan d’ailerons, un ballet coloré de Napoléons, barracudas, mérous, carangues, perroquets,
poissons chèvre jaunes et soldats aux gros yeux rouges.
La vie est là. Restez immobile, en apesanteur, le bruit des bulles rythme le respir.
La plongée se termine dans deux mètres d’eau sur le sable du lagon.
Le monde sous-marin s’offre, éblouissant de beauté.
Mahalo* aux intervenants de ce spectacle : les requins, les barracudas et tous les autres !
Aloha*
Je ne prends ni photos, ni vidéos sous l’eau. Je conserve les yeux ouverts et le corps disponible au plaisir
intense de la plongée.
Vous pouvez trouver sur youtube une magnifique vidéo intitulée » wall of sharks « . Régalez-vous !
Réflexion d’un petit animal bourré de sagesse.
Bachibouzouques sous-marins, vous qui décimez les mers.
Voyez ces créatures confiantes. Elles vous fixent de leurs yeux ronds, sans rancune pour les consommateurs qui les détruisent à force de plastique balancé à tour de bouteilles et qui les empoisonne.
Kitsune
Fakarava nord, impressions au soleil couchant
Assise sur la terrasse, face à la mer, mes pieds nus se balancent loin des coraux aux lames acérées.
Palette de bleus droit devant. Une pirogue cigle les flots, un nuage caresse le ciel.
Une frégate l’accompagne, d’autres la rejoignent.
Leur vol silencieux orchestre la chasse qui annonce le repas du soir.
Le ciel s’enflamme, éclaire encore un instant les contours d’une île plantée de cocotiers, ombre chinoise.
Un enfant nage près du bord, met en fuite deux requins à ailerons blancs.
Une tour de chantilly rose scinde l’horizon.
D’un côté une partie lumineuse, de l’autre la route du soleil tracée sur la mer.
Ultime clin d’œil de l’astre qui se fait discret et s’éclipse derrière une barrière de nuages.
Des rencontres
ho’opihoihoi*
Après avoir quitté à regret le paradis du sud, retour au nord pour la pension Paparava.
Le changement est saisissant.
L’accueil est inexistant mais le paradis reste présent dans le bleu chantant du lagon.
Voyager c’est aussi faire des rencontres, d’autres curieux sillonnent le globe.
Voici deux aventuriers à la recherche d’émotions fortes.
Franck et Thomas ont atterri à la pension de la plage après un trek aux Marquises.
Ces deux complices cachent bien leur jeu.
Franck, beau gosse, ingénieur fiabilité en micro électronique.
C’est lui qui vérifié le bon fonctionnement des puces de vos appareils.
Thomas, blond, chevelu et barbu est pharmacien en industrie pour Sanofi.
Difficile de les imaginer enfermés dans un labo ou un atelier.
Tous deux parcourent le monde en quête de défis à relever.
Ces deux-là aiment se mettre en danger, c’est leur kiff, leur moteur de vie.
De quatre potes au commencement des aventures, deux se sont rangés avec femme et enfants.
Restent les deux complices de toujours, discrets quant à leur destination, à leurs exploits aux confins de
l’impossible.
Aucune pub les accompagne, ils financent eux-mêmes leurs expéditions.
Fakarava, une pause dans leur étonnant périple.
Laki maika’i*
Retour à la civilisation
Papeete, c’est le retour à la circulation, le béton côtoie une magnifique marina.
Le trajet du bus caresse les contours de la côte.
Une pluie tropicale en guise d’accueil, rafraîchit la visite de la ville et de son marché couvert.
Je déambule dans les rues de Papeete, l’averse me jette sous une halle au centre d’un jardin botanique.
Deux joueurs d’échecs avancent leurs pions d’un geste vif et déterminé.
Plus loin, deux jeunes femmes se réfugient pour abriter leur tendresse à même le sol tandis qu’un homme
s’époumone au téléphone.
La pluie cesse, tout le monde s’égaye, seuls restent les joueurs acharnés.
Retour par bus. Un vieux modèle quelque peu délabré m’épargne le désagrément de l’air conditionné.
Le front collé à la vitre floutée, je capte le regard de la femme fatiguée, accoudée à sa table où traînent
quelques bouteilles de jus de fruits et des sachets de graines en attente d’une vente improbable.
Synchro, nous baissons nos masques, échangeons nos sourires.
Décalage horaire
Le voyage est terminé. Je regagne la maison de la place.
Je prends le temps nécessaire pour digérer le décalage horaire.
Bascule dans le gris, le froid. Le corps s’enferme dans le tissu de l’automne, impatient de retrouver la chaleur des tropiques.
Remerciements
À Daniel Gallet, compagnon de voyage et binôme de palanquée*
À Maryline et Philippe Mengue, rencontrés à Rangiroa, pension Tapuheitini
À nos hôtesses : Carolina, Corina et Marguerite
Aux habitants des Tuamotu et à cette terre qu’ils préservent vaillamment.
Lexique franco-tahitien
Këia manawa : Instant présent
Welina mai i Paradise : Bienvenue au Paradis
Maluhia : Paix
Aloha : Amour, Au revoir
Ho’opihoihoi : Aventure
Laki maika’i : Bonne chance
* binôme de palanquée : équipier en plongée
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